La lassitude me gagne ! Entendre chaque jour des politiciens, économistes, philosophes et autres éditorialistes parler en mon nom n’est certes pas nouveau. C’était déjà la « règle du jeu » lorsque j’ai créé ma première entreprise. Mais aujourd’hui, vraiment, la lassitude me gagne !
Après 30 ans de bons et loyaux services, la création d’une petite dizaine d’entreprises et même le dépôt de bilan de l’une d’entre elles, je reste convaincu que ce choix était à la fois individuel et capitaliste, mais aussi solidaire et collectif. Convaincu encore que des centaines (milliers) de personnes se sont bonifiées dans ces entreprises, devenant finalement des experts reconnus. Convaincu enfin que cette richesse créée leur a profité à toutes et tous, tout autant qu’à moi. Et c’est tant mieux. J’y aspire depuis le premier jour.
Mais, avec le temps, j’ai fini par réduire ma semaine de travail à 50 heures, reflet d’un égoïsme que je ne me connaissais pas, et par tenter de consacrer mes week-ends à des rencontres et lectures humainement plus enrichissantes que les publications du BCG ou du Benchmark Group.
Mais, avec le temps, j’ai aussi fini par penser que la caricature n’est pas le mensonge, bien au contraire. Elle n’est que ce qui reste de la réalité quand on l’exprime rapidement.
Ainsi, l’Abbé Pierre est généreux, Sarkozy hyperactif, Monica Bellucci envoûtante, et Cahuzac pitoyable. Tout cela est incontestablement vrai même si leur vérité, à chacun, est évidemment plus complexe.
Alors, quelle est l’incontestable vérité d’un chef d’entreprise aujourd’hui ?
C’est la nécessité de se battre chaque jour avec les plus grandes entreprises pour obtenir des délais de paiement décents, de signer des contrats léonins imposés par ces mêmes entreprises, d’émettre des factures à destination de l’Irlande ou de quelques îles exotiques pour des prestations qui leur sont délivrées dans l’hexagone, parce que…
C’est l’obligation de dépenser trois euros pour qu’il n’en reste qu’un dans la poche du collaborateur, de participer au financement de la politique du logement, de la famille, de la santé, de la protection de la nature, de la vieillesse, etc., de remplir et signer des centaines de déclarations, rapports, états, relevés, parfois inutiles et toujours compliqués, à destination d’une administration régalienne et dépassée…
C’est l’impossibilité de faire coïncider niveau réel d’activité et masse salariale en temps réel, de faire des économies lors du remplacement d’un collaborateur absent, d’obtenir le moindre relai bancaire même à court terme sans multiplier les garanties au-delà du raisonnable…
Bien que caricatural, tout ceci est vrai. Et tout ceci consomme du temps, de l’énergie, de l’imagination, de l’argent. Autant de plomb dans nos bottes qui ne favorise pas l’agilité !
Et pourtant, mon entreprise innove, diversifie, grandit, grossit même. Bien sûr, chaque nouvelle conquête est de plus en plus épuisante, chronophage, « europhage » aussi. Chaque exercice clôturé positivement est devenu une fierté et non une évidence, chaque gramme de plomb supplémentaire dans nos bottes nous rend encore plus musclés, plus résistant. Bien sûr !
Pendant ce temps, d’autres commentent, se lamentent ou incantent
– Les politiciens pour surtaxer nos rares dividendes ou promouvoir le tricot français,
– Les économistes pour expliquer les bienfaits d’une Europe qui n’a toujours pas de numéro de téléphone (we miss you Mr Kissinger !),
– Les philosophes pour commenter confortablement la fin d’une civilisation,
– Les éditorialistes pour mettre dans le même sac innovation, productivité, mondialisation… Et impuissance.
Messieurs, quand prendrez-vous le temps d’aller à la rencontre de ceux qui font ?
Messieurs, quand vous montrerez-vous agiles, imaginatifs, innovants… Et réalistes ?
Votre besoin de transparence me fatigue quand votre manque de sincérité me peine.
Alors, pourquoi pas une année de « césure » obligatoire pour chausser une fois dans votre vie notre paire de bottes ? Je sais, je ne suis pas le premier…Mais avec le temps, aujourd’hui, j’en ai justement « plein les bottes » ! Je suis chef d’entreprise… Non, mais allo, quoi !