Tout empirique qu’il soit, le principe de Peter se vérifie malheureusement trop souvent.
Pour rappel, voilà ce qu’il nous dit :
- Le collaborateur compétent est généralement promu au niveau supérieur,
- Il finit par atteindre un poste auquel il devient incompétent,
- L’essentiel du travail est finalement effectué par ceux qui n’ont pas atteint leur « seuil d’incompétence ».
Ce principe prend une importance particulière lorsqu’il s’agit de remplacer le chef d’entreprise. Les dauphins sont parfois nombreux, et les plus attendus ne sont pas toujours les plus souhaitables. L’exercice est périlleux pour ceux qui en ont la charge.
Au fil de récentes missions de ce type, il m’est arrivé d’espérer que l’habit pouvait faire le moine. Malheureusement, trop souvent, à tort !
Entourer et préparer son numéro 2 avec patience, discrétion et application ne fait pas toujours de lui le numéro 1 que l’on espère. Le mécanisme est parfois même contre-productif.
Dans un premier temps, conscient de la sollicitude dont il fait l’objet et des projets qui le concernent, le collaborateur devient à la fois plus déférent avec le leader et plus distant avec les équipes. Dommage, il commence déjà à les perdre.
Puis l’impatience le gagne. Alors, de façon feutrée, il commence à contester le leader, remet en cause sa légitimité, voire refuse son autorité. Dans certains cas, se déclenche le syndrome de Brutus(1) : se débarrasser au plus vite du numéro 1 pour « prendre le volant du camion ». Le Brutus dénonce alors « l’année de trop », l’incapacité à comprendre son temps, le manque de lucidité. L’entourage, qui identifie cette agressivité nouvelle, s’en étonne voire s’en détourne.
Enfin vient le temps du pouvoir. Numéro 2 prend le volant.
Enivré par la situation, il multiplie les affirmations de sa nouvelle puissance, parfois à tort et à travers, allant jusqu’à confondre leadership et autoritarisme. L’ivresse… Table rase du passé, pêché d’orgueil, confusion entre incantation et vision, refus du réel, révolution jusque dans l’organisation quotidienne parfois si rassurante pour les équipes.
Son discours dit changement et modernisation. Les autres entendent caprice et inconsistance.
Et déjà plus personne ne comprend. Plus personne n’adhère.
Très vite, l’entreprise fatigue, hoquette, trébuche.
Très vite, les équipes se démobilisent et quittent le navire.
Très vite, les clients doutent puis se détournent.
C’est le début de la fin. Le temps des prédateurs ou des fossoyeurs.
(1) Brutus considéré par César comme son fils, essaye comme beaucoup d’autres de tuer l’empereur. Quand Cesar voit Marcus Brutus se précipiter sur lui, il lui adresse le fameux « Tu quoque fili » (Toi aussi, mon fils !)